- Introduction et généralités
L’oseille de Guinée (Hibiscus sabdariffa) est un légume de type africain dont la culture est en pleine expansion surtout au Sénégal, en Egypte, au Niger et au Cameroun. Il est de la famille des malvacées qu’il partage avec le coton et le gombo. Le Bissap désigne à la fois une variété d’hibiscus cultivée en Afrique subsaharienne et la boisson préparée avec les fleurs séchées de la plante. Une pluviométrie de 600 à 800 mm bien répartie dans le temps convient mieux au bissap qui n’est pas trop exigeant. Le Bissap est résistant à la sécheresse en raison de son système racinaire pivotant qui lui permet d’explorer les couches profondes du sol en cas d’arrêt des pluies. La culture préfère les sols bien drainés et meubles. Il est intolérant aux sols engorgés. Le Bissap s’accommode à des sols pauvres mais donne de meilleurs résultats en sols humides et fertiles qui sont des sols riches en matières organiques et en éléments nutritifs. Toutes ces caractéristiques de climats et de types de sols se retrouvent un peu partout au Rwanda. Au Sénégal, le Bissap a un potentiel de production qui varie entre 500 et 700 kg/ha en culture intensive. Au Rwanda, le Bissap est nouvellement cultivé par certaines personnes qui ont pris connaissance des avantages sanitaires de l’utilisation de son jus dans leur alimentation au niveau des foyers.
1.2 Histoire et caractéristiques du bissap
L’Hibiscus sabdariffa est un arbuste qui pousse dans les pays tropicaux, et notamment en Afrique Centrale et Occidentale et en Asie du Sud-Est. Il peut rapidement atteindre 2,5 mètres de hauteur, et est apprécié pour ses fleurs rouges ou vertes et ses feuilles utilisées à la fois en cuisine, et dans la médecine traditionnelle.
Les fleurs de bissap sont donc utilisées pour la préparation de jus qui se caractérise par son goût acidulé et ses subtils parfums de fruits rouges. Très désaltérant, il se déguste aussi bien chaud que froid et est véritablement la boisson nationale au Sénégal, mais on le trouve aussi en Egypte, au Niger ou au Cameroun.
La consommation du jus d’hibiscus semble remonter à l’Antiquité puisque les Égyptiens employaient déjà la plante comme remède contre la fièvre ou les coups de chaleur. Aujourd’hui encore, le bissap est utilisé en médecine traditionnelle et en phytothérapie pour lutter contre de nombreux maux.
Au Sénégal, le bissap est indissociable du concept d’hospitalité, de convivialité et de partage et l’on en propose toujours aux invités, à l’image du café chez nous en familles.
1.3 Les calories et les infos nutritionnelles du bissap
En consultant la littérature disponible sur le marché comme le manuel de formation sur le bissap publié en 2012 à Dakar en 2012, on trouve qu’en plus de son action hydratante et désaltérante, le bissap est concentré en vitamine C, qui agit notamment contre les infections virales et bactériennes, permet une meilleure assimilation du fer et possède une forte action anti-oxydante, qui lutte contre les radicaux libres et le vieillissement des cellules.
Il est également réputé pour faciliter la digestion et favoriser le transit intestinal. On lui prête aussi des vertus hypotensives et protectrices pour le système cardio-vasculaire.
1.4 Culture du bissap
1.4.1 Le choix du sol
Le sol est considéré comme le support et surtout le garde-manger de la plante. Son choix est déterminant dans la réussite de la culture. Comme déjà mentionné ci-haut, le bissap n’est pas exigent en sols car il réussit aussi bien dans les sols sablonneux que ceux qui sont argilo-sableux. Cependant on évitera les sols engorgés d’eau car le Bissap n’aime pas « les pieds dans l’eau ».
Il est conseillé d’éviter les champs en voisinage des cultures traitées avec des produits phytosanitaires telles que le coton, la tomate, la pomme de terre, le caféier, etc. Cela présente des risques de contamination du bissap par le vent alors que c’est une culture qu’on souhaite garder une production biologique tant que faire se peut.
1.4.2 L’épandage de la fumure organique
Le bissap est une culture qui répond bien à la fumure organique. En plus des éléments fertilisants qu’il donne à la plante, le fumier permet : l’ameublissement du sol ; l’augmentation de la vie microbienne dans le sol ; une bonne capacité d’échanges des sels minéraux et une bonne capacité de rétention de l’eau du sol. Le fumier est épandu à la dose de 8 à 16 tonnes à l’hectare suivant la nature des sols et l’épandage est renouvelé tous les 3 ou 4 ans de production. L’utilisation du fumier organique bien traité permet la réduction dans l’utilisation des engrais chimiques (NPK).
1.4.3 Le Semis manuel
Les semences peuvent être traitées avec des insecticides et fongicides pour contrôler les fontes de semis et les attaques précoces de chenilles défoliatrices et d’insectes piqueurs ou suceurs. Les producteurs de bissap au Rwanda ne disposent pas de semoir pour effectuer les semis mécaniques comme sur des grandes surfaces. Ils doivent alors effectuer des semis manuels dans leurs champs. Pour cela, ils doivent disposer d’une corde de 10 à 20 mètres et d’une petite houe et deux personnes. La corde est ensuite posée sur le sol sous-tendue par deux piquets. A l’aide de la petite houe, une des 2 personnes ouvre des poquets distants de 40 cm tout le long de la corde. La profondeur des poquets est de 2 à 3 cm environ. Dans chaque poquet, on enterre 3 grains de bissap. L’opération se poursuit jusqu’à la limite du champ pour commencer une autre ligne distante de 80 cm de la précédente ligne. Après cette opération de semis suivront d’autres activités comme les resemis en cas de besoin, le sarclobinage, l’épandage du NPK, le démariage des plantes pouvant être transplantées ailleurs, l’épandage d’urée et les sarclages pour arracher les mauvaises herbes.
1.4.4 Récolte du bissap
La récolte du bissap se fait quelques jours après que les fleurs sont tombées lorsque les calices sont mûrs. Sur le bissap, la maturation des capsules ne se fait pas en même temps car les capsules des rameaux inférieurs et médians mûrissent les premiers. C’est pourquoi la récolte doit être étagée. Traditionnellement les femmes récoltent le bissap en coupant la plante à la base de la tige. Cette technique de récolte constitue une perte énorme car les capsules supérieures seront coupées alors qu’elles ne sont pas arrivées à maturité, ce qui baisse la qualité et même la quantité du produit après le séchage.
Lors de la récolte et lors du décaliçage, il est très important que les conditions hygiéniques soient respectées. Tout contact des calices avec le sol est à éviter ! Si les calices sont récoltés au champ, ils sont à mettre dans des sacs propres. Le décaliçage doit se faire sur des bâches bien propres. Il est recommandé que la récolte et la séparation des calices et de leurs capsules se fassent intervenir le même jour. D’habitude, la séparation des calices se fait en arrachant avec la main ou en écorchant avec un couteau dont on faisait passer le tranchant tout autour du réceptacle de l’ovaire.
Le récolteur doit disposer de deux sacs en bandoulière (ou deux paniers) pour permettre d’effectuer le triage à la récolte. Dans le 1er sac, le récolteur met les capsules saines et entières ; le deuxième sac contiendra les capsules attaquées, dénaturées ou décolorées. Ce triage doit permettre d’avoir dans le premier sac (panier) des calices de qualité impeccable. Il est recommandé que lorsque le triage n’est pas réalisé à la récolte, il doit être fait au moment du décaliçage avec la séparation des calices de la capsule.
1.4.5 Le séchage des calices du bissap
Au moment de la récolte, le calice est encore humide. Il ne peut être conservé à cet état aux risques de pourriture ou de moisissures qui sont à éviter à tout prix. Pour ce faire, après le décaliçage, tous les calices doivent être séchés au soleil pendant 1 ou 2 jours.
Le séchage est l’une des étapes les plus importantes pour la préservation de la qualité des calices de bissap. Il ne faut jamais poser les calices directement au sol ! Il faut les sécher soit sur des séchoirs au-dessus du sol, soit sur des bâches bien propres et surveillés afin d’éviter les contacts avec l’humidité du sol.
Chaque contact avec le sol, sable, poussière, fumée, animaux ou déchets d’animaux est à éviter afin de mieux préserver la qualité de la récolte. C’est pourquoi les dispositions suivantes doivent être prises : • Faire un pré séchage au soleil pendant 1 ou 2 jours ; • Sécher sous un abri dès le 3ème jour ; • Sécher en hauteur pour éviter la pollution par la poussière ou par le sable ou par les animaux en divagation (poules, chiens, chèvres, etc.) • Sécher loin des points de souillure (toilettes, fosses septiques, bergerie…) ; • Eviter des endroits exposés à la rosée ; • Etre vigilant avec les pluies parasites ou imprévues ; • Ne pas ajouter la récolte de 2 ou 3 jours dans une même aire de séchage ; • Retourner souvent le produit à sécher pour avoir un séchage homogène. Le faire avec des mains propres ; • Ne pas avoir une forte épaisseur de calices à sécher c’est pourquoi l’aire de séchage doit être grande afin d’améliorer la qualité des calices séchés.
1.5 Utilisation du bissap
1.5.1 Préparation du bissap sous forme de thé ou de jus.
Rien de plus simple que de préparer une infusion : placez une poignée de fleurs d’hibiscus séchées dans 1 litre d’eau frémissante. Laissez infuser, ajoutez un peu de sucre ou de miel selon votre goût puis filtrez et dégustez. Vous pourrez servir le bissap chaud, ou le placer au réfrigérateur pour le servir bien frais sous forme de jus.
Pour l’amélioration du goût de l’infusion, vous pourrez également ajouter quelques feuilles de menthe ou du gingembre râpé, pour apporter au bissap un peu d’arôme selon les quantités ajoutées adaptées au goût du consommateur intéressé par son utilisation.
Et pour une recette encore plus innovante et originale, parfumez le bissap d’épices (poivre, cannelle, vanille), ou de zeste d’agrume afin d’améliorer la qualité et le goût du produit.
1.5.2 Préparation artisanale du vin pétillant de bissap
Pour le moment, l’article intitulé ’’ Comment produire du vin de bissap pétillant’’ par AZIATO Kokou et autres comme Fiche Togolaise des Sciences, Techniques et Innovations (FTSTI0 en Octobre 2020 illustre bien les différentes étapes à suivre pour produire du vin de bissap ayant les mêmes propriétés comme celui qui est fabriqué à partir des raisins.
Brièvement, ces auteurs montrent que les ingrédients nécessaires sont les calices de bissap sèches, les ferments de lie du vin de palme, le sucre et la gomme alimentaire; et pour matériel: la toile blanche et les petits équipements de cuisine.
Les étapes de fabrication du vin sont les suivantes:
- Bien trier et tamiser manuellement les fleurs de bissap;
- Laver les fleurs de bissap à l’eau propre pour éliminer des impuretés et saletés (Laver rapidement et avec précaution le bissap afin d’éviter la perte des pigments rouges ou anthocyanes);
- Ajouter à 300g de bissap 10 litres d’eau dans l’ordre successif de 5l, 3l et 2l;
- Porter à ébullition pendant 10 à 15 minutes chaque fois et recueillir les différents extraits à l’aide d’un passoir;
- Tamiser l’extrait à l’aide d’un tamis fin ou d’une toile de filtration ou du coton;
- Ajouter du sucre à l’extrait filtré (1,5kg dans 10 litres d’extraits);
- Mélanger jusqu’à dissolution complète du sucre dans l’extrait de bissap;
- Ajouter le ferment de lie du vin de palme à l’extrait à 0,5% (50ml pour 10l);
- Après ajout de ferment, laisser le mélange fermenté à température ambiante et à l’air pendant 24h dans un contenant à moitié fermé ou fermé par une moustiquaire (Cette première fermentation favorise la multiplication des micro-organismes);
- Transvaser le mélange dans un bidon en plastique avec un bouchon pour fermer la bouteille en ayant soin de laisser un espace d’air au-dessus du mélange;
- Continuer la fermentation dans le bidon fermé à température ambiante 27 à 40°C pendant 15 à 20 jours ;
- Ajouter de gomme alimentaire à 0,01% (1g pour 10 litres) ;( Ici il est à signaler que l’ajout de la gomme alimentaire est facultatif si on veut obtenir du vin plat.);
- Ajouter du sucre pour relever le goût du vin ;
- Soutirer le vin dans des bouteilles hermétiquement fermées (Attention ! Utiliser les bouteilles résistantes à la chaleur et adaptées pour le conditionnement);
- Soumettre les vins soutirés dans les nouvelles bouteilles hermétiquement fermées à une fermentation contrôlée pendant 24 à 48h;
- Arrêter la fermentation en plongeant les bouteilles dans de l’eau chaude entre 75 et 80°C pendant 15 à 20 minutes (Pasteurisation du vin embouteillé);
- Retirer les bouteilles de vin de l’eau chaude en utilisant une pince adaptée;
- Refroidir les bouteilles de Vin Pétillant de bissap (8%) à température ambiante qui sont prêtes pour le marché.
En guise de conclusion, il est à noter que la production du vin pétillant de bissap permettra de mettre à la disposition de la population un produit de meilleure qualité sans devoir recourir aux raisins. La valorisation du bissap dans la production de vin est un moyen efficace permettant de réduire les pertes de devises liées à l’importation des boissons alcoolisées dans notre pays.
Fait à Kigali, le 25 Mai 2024.
MINANI Faustin
Vice président de l’ARR.